Comment l’homme s’est il mis à parler ? Depuis l’Antiquité, beaucoup de théories ont vu le jour. Mais alors que la majorité de ces études s’appuient sur la faculté de langage des êtres humains modernes pour étayer leurs théories, Philippe Barbaud lui, préfère utiliser une méthode à contre-courant en s’intéressant à la condition animale de l’espèce Homo. Il en vient alors à l’idée que notre espèce s’est débarrassée de son langage simien à travers les générations pour adopter un langage articulé en alliant cognition, évolution et langage.
En trois chapitres, Philippe Barbaud se propose donc de nous expliquer comment et pourquoi le langage humain a vu le jour, par adaptation évolutive, grâce aux transformations anatomiques, morphologiques et physiologiques subies par nos ancêtres primates. Pour ce faire, il s’inspire des nombreuses recherches publiées par ses confrères et autres scientifiques pour en extirper ce qu’il juge bon et compléter ou réfuter ce qu’il considère comme incorrect.
Son scénario de l’évolution se déroule en deux parties qui ne peuvent pas être dissociées l’une de l’autre dans ce cas précis : d’une part le délitement de la rengaine animale (ou plus vulgairement la régression du langage animal), et d’autre part l’évolution de l’appareil bucco-pharyngal. Cette coévolution, directement liée à l’adaptation de l’espèce Homo aux diverses transformations de son biotope, s’opère alors que notre ancêtre est en pleine assimilation de la station debout. L’ensemble de l’appareil bucco-pharyngal se perfectionne et se transforme petit à petit en organe phonatoire alors qu’il avait en premier lieu des fonctions vitales : la respiration et la transformation des aliments. Avec le temps, l’espèce Homo découvre que ces modifications lui permettent de sortir des sons autres que ceux de sa rengaine animale. C’est l’apparition de l’interjection, utilisée pour exprimer la douleur et la joie !
Et cette interjection va avoir un rôle très important. Elle est l’élément sonore grâce auquel le présapiens prend conscience du soi et des autres, et découvre le lien étroit qui existe entre la parole et le geste. Il va alors chercher à communiquer avec ses pairs et faire ressurgir le sens, cette « représentation mentale qui permet d’interpréter la réalité en se la matérialisant mentalement », qui avait végété jusque-là, enfoui dans l’intelligence animale. Son besoin de communiquer l’aurait alors amené à une addiction mentale au sens (« le sens appelle encore plus de sens »), qui serait donc à l’origine de la parole !
Dans la dernière partie du livre, l’auteur nous explique comment cette parole s’est développée. Il nous éclaire par exemple sur la façon dont nos ancêtres auraient étoffé leur vocabulaire, ou encore sur la raison pour laquelle les langues du monde obéissent toutes au même plan d’organisation alors qu’il en existe plusieurs milliers. Pour ce faire, il fait une analyse des langues actuelles après plus de deux millions et demi d’évolution de l’espèce humaine.
Philippe Barbaud aurait-il découvert les origines du langage dans le sens ? Son scénario, en tout état de cause, est digne de considération. Malgré l’approche scientifique minutieuse et le langage soutenu de certaines parties du texte, il s’efforce régulièrement d’expliquer les choses de façon plus vulgaire, ce qui aide énormément à la compréhension. Le fait qu’il utilise un schéma chronologique y participe également pleinement. Cet essai, bien qu’un peu complexe, est passionnant, car il retrace notre histoire, celle de notre espèce, au travers du langage.
*L’instinct du sens – Essai sur la préhistoire de la parole
*Livre scientifique
*346 pages
*39 euros
*ISBN 978-29570999-9-3
– Site officiel du livre : www.linstinctdusens.com
– Site officiel de l’auteur : https://www.philippe-barbaud.com